Journée nationale pour les persécutés raciaux et les Justes de France

Accueil/La vie du Comité/Actualités/Actualités de Paris/Journée nationale pour les persécutés raciaux et les Justes de France

Dossier n°

Journée nationale pour les persécutés raciaux et les Justes de France

(Photo JEA. Le monument du Judenlager des Mazures).

Echo ardennais de la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français et d’hommage aux Justes de France.

Une fois n’est pas coutume. Cette page ne proposera pas un reportage sur les cérémonies du Vélodrome d’Hiver à Paris ou sur celles qui se déroulèrent dans l’une ou l’autre métropole de l’hexagone.
Mais vous êtes invités aux frontières de la France, dans les Ardennes. Là où pour la première fois de son histoire, la Ville de Les Mazures, a intégré dans cette Journée nationale le souvenir des 288 juifs d’Anvers (Belgique) qui y furent mis au travail forcé dans le seul Judenlager de Champagne-Ardenne. Sans oublier les trois Justes parmi les Nations qui se sont distingués dans l’histoire de ce camp et dont la reconnaissance a été officialisée en décembre dernier lors d’une cérémonie exceptionnelle organisée par le Comité Français pour Yad Vashem à l’Hôtel de Lassay (1).

L’histoire de Les Mazures qui s’étend du 18 juillet 1942 au 5 janvier 1944, ne fut exhumée qu’à partir de 2002. Avec pour premier objectif de retrouver les identités des déportés de camp puis de reconstituer leur destin individuel. Une Association pour la Mémoire de ce Judenlager éleva sur le site même du camp une pierre du souvenir en 2005. Ont été multipliées les publications (2), les conférences, les animations scolaires en Ardennes.

Mais ce 20 juillet 2008 marque une évolution fondamentale car la Municipalité a invité la population à une première célébration de la Journée nationale devant le monument même du camp.

Maire de Les Mazures, Madame Elizabeth Bonillo donna lecture du message signé par le Secrétaire d’Etat Jean-Marie Bocquel. Venue d’Anvers (Belgique), Yaël Reicher, fille d’évadé du Judenlager, Présidente de l’Association, lui succéda :

 


(Photo de M. Tzwern. de g. à dr. : la parole à Yaël Reicher, le Conseiller général Gérard Drumel, Mme Bonillo Maire des Mazures).

 

« Monsieur Drumel, Conseiller Général,
Madame Bonillo, Maire des Mazures,
Monsieur Jacques Namer, Président de la Communauté Juive des Ardennes,

Chers Amis,

Tout d’abord merci … Merci à Madame le Maire de Les Mazures de nous avoir invités à cette importante journée du souvenir – celui de la Commémoration de la Déportation des Juifs de France et celui des Justes de France.

Au nom de l’Association pour la Mémoire du Judenlager des Mazures, je suis particulièrement émue du geste de la Ville de Les Mazures d’avoir pris l’initiative de s’arrêter un moment pour se souvenir mais aussi de donner une reconnaissance officielle à un passé douloureux qui s’est déroulé au Camp des Mazures, se situant à l’endroit même où nous nous trouvons aujourd’hui.

Le Judenlager des Mazures, un de ces lieux de barbarie humaine, de déshumanisation et d’obsession collective par le régime fasciste avec pour but l’anéantissement du peuple juif, était une anti-chambre de la mort. 288 déportés d’origine anversoise étaient obligés de construire un camp de travail ici-même, où ils furent astreints au travail forcé au bénéfice de la machine de guerre fasciste pour la fabrication de charbon de bois. Le 5 janvier 1944, ils sont tous transportés dans des wagons à bestiaux pour être déportés vers la mort, lieux vides d’humanité.

22 juifs des 288 internés aux Mazures ont réussi leur évasion et ont vu la Libération. Mon papa est décédé il y a presque 9 ans maintenant. Il était l’un de ces 22 survivants des Mazures. Il a été sauvé par le grand héros et résistant Emile Fontaine, qui a mis en péril sa propre vie et celle de sa famille pour sauver des gens comme mon père.
Comment est-il possible de remercier un personnage comme Emile Fontaine (3) de m’avoir donné un père aussi magnifique que le mien ? Je ne pourrais même pas. Le courage et l’intégrité d’Emile Fontaine évoquent pour moi, en tant qu’enfant d’un survivant des Mazures, des sentiments intenses d’humble admiration.

Simon Helfer (4), qui vient aujourd’hui pour la toute première fois aux Mazures, sur le lieu même où son papa a vécu les derniers moments de sa vie, il y a 66 ans, vit une journée importante. Son papa n’est plus jamais revenu des camps. Le papa de Simon a été exterminé par les nazis à Auschwitz quand Simon avait tout juste 1 an. Je répète, quand Simon avait tout juste 1 an. Et il a été exterminé parce qu’il était juif. Simon a dû grandir et vivre sa vie sans père parce que les nazis estimaient qu’il fallait exterminer des êtres humains.

Nous continuons à nous mobiliser pour dire non. Plus jamais cela. Nous sommes là pour qu’on se souvienne, qu’on n’oublie pas la mort des nôtres, la mort d’êtres humains. Nous sommes là pour se souvenir des actes héroïques de résistants comme Emile Fontaine. Nous sommes là aujourd’hui pour combattre ces fléaux de la haine, de l’antisémitisme et de l’intolérance.

Je tiens à remercier Madame le Maire des Mazures de votre geste du souvenir de nos parents et de votre prise de position par rapport à un passé douloureux, qui a été merveilleusement retracé par le travail historique du Professeur Andreux, ici présent, même s’il est accablé par une longue et douloureuse maladie.

N’oublions jamais le devoir de mémoire …
Souvenons-nous humblement de la grandeur des héros de la résistance …

Luttons contre la haine et
Gravons ces mots dans nos cœurs à jamais.
Merci.

(S) Yaël Reicher. »

Une gerbe a été déposée par Madame le Maire devant la stèle des 288 déportés juifs. Puis les membres de l’Association ont posé chacun un galet sur la Pierre du Souvenir.

 

 

(Photo de M. Tzwern. S’avancent vers la Pierre : Simon Helfer, fils de déporté des Mazures mort ensuite à Auschwitz, Jean-Emile Andreux et son petit-fils Chapouillet, Suzy Collard et Jacques Namer, Président de la Communauté des Ardennes, puis Françoise Parizel)

 

La Municipalité a ensuite présenté l’exposition réalisée par la Bibliothèque centrale de Charleville-Mézières et sous la responsabilité de Florence Subissati (4). Basée uniquement sur des documents authentiques retrouvés au long de quatre années de recherches, cette exposition retrace l’histoire du Judenlager de Les Mazures et de ses déportés. Documents et conception ont été à charge de Jean-Emile Andreux, historien du Judenlager (4). Le montage initial a été supervisé par Marie-France Barbe, historienne ardennaise (4).

Après 9 présentations dans d’autres localités ardennaises (et une belge), cette exposition restera à la disposition de la population et des touristes dans la salle du Conseil municipal de Les Mazures.

 

 

(Photo de M. Tzwern. Description des documents à Yaël Reicher, à Simon Helfer, à l’ancienne Maire de les Mazures Mme Cachard, et à Danielle Helfer)

 

Notes :

(1) Voir le diaporama
 

(2) Dernière publication : Jean-Emile Andreux. Mémorial des déportés du Judenlager des Mazures. TSAFON. Revue d’études juives du Nord. n°3 hors-série – octobre 2007. 155 p.

(3) Emile Fontaine, Juste parmi les Nations de même que sa compagne Annette Pierron et la mère de celle-ci, Camille Pierron. Lire : La lettre d’information du Comité Français pour Yad Vashem. N° 7 Eté 2007. Emile Fontaine, un Juste dans l’enfer des Mazures. pp 6-7.

(4) Membres de l’Association pour la Mémoire du Judenlager des Mazures (L. 1901). A noter que cette Association créée en 2003 n’a jamais été invitée par la Préfecture des Ardennes à une seule célébration telle cette Journée nationale.

(5) Tous nos remerciements à Manu Tzwern dont les photos illustrent cette page.

 

Une dernière image. Porteuse d’espoir. Celle d’un Mazurois qui, loin d’occulter le passé de sa localité, explique à ses enfants le pourquoi et le comment du monument élevé en mémoire des déportés du Judenlager :

 


Photo : Manu Tzwern (4 et 5).