70 ans après la guerre, elle retrouve ceux qui l’ont sauvée

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Dossier n°

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70 ans après la guerre, elle retrouve ceux qui l’ont sauvée

Publié le 11/06/2013

Émouvantes retrouvailles entre Rebecca Maraschek et Jeanine Mansueti, hier, à Mougins.A.-B.J.

 

 

 

 

 

Rebecca Maraschek a échappé aux nazis grâce à une famille qui l’a cachée à Nice. Elle avait perdu leur trace depuis la Libération.Hier, elle a retrouvé la fille de ses bienfaiteurs

C’était il y a longtemps, si longtemps… Les mains tremblent un peu, les larmes perlent. Mais le temps n’efface pas le regard. Et les cœurs restent. C’était il y a 70 ans. La guerre, les nazis, la nuit et le brouillard… Elles se sont reconnues malgré les rides, malgré les meurtrissures. Elles ne s’étaient pas vues depuis la Libération.

Hier, Rebecca Maraschek et Jeanine Mansueti se sont retrouvées… Enfin. Hier, Rebecca est arrivée au terme de sa quête. Elle, qui « ne voulait pas mourir sans rendre hommage à ceux qui avaient risqué leur vie pour sauver la sienne », a posé ses regrets, son fardeau et sa douleur dans le salon mouginois de Jeanine. Doucement, tout doucement, les deux vieilles dames ont retrouvé le fil de l’histoire qui a lié leurs destins.

La maison de l’avenue des Platanes

C’était en 1943. Rebecca était alors une toute petite fille avec l’étoile jaune poignardée sur le cœur. Jeanine avait quelques années de plus et le cœur plus léger.

La mère de Rebecca avait le cœur brisé. Celle de Jeanine, le cœur immense. Elle s’appelait Marie, tenait une blanchisserie avec son mari. Un jour, elle a ouvert sa porte à Rebecca et aux siens traqués par les nazis. Elle leur a ouvert sa maison comme on ouvre son cœur. Marie Massa était de ces femmes qui ont refusé de capituler face à la barbarie, héroïne au nom de la liberté et de l’humanité.

C’était dans le quartier Saint-Sylvestre (Nice-Nord), au 17 de l’avenue des Platanes, une jolie petite maison niçoise aux volets souvent clos. Rebecca y était cachée « avec son petit frère, son oncle – tailleur de métier -, sa tante et sa petite-cousine ». Elle avait 7 ans à peine. Se souvient de son père raflé, déporté, martyrisé jusqu’à la mort qui lui manquait tellement, de sa mère qui n’en finissait pas de pleurer et de «la gentillesse de ses bienfaiteurs ». Elle se souvient « des copeaux de bois d’une menuiserie pas loin dans lesquels elle jouait, d’une petite fille un peu plus âgée qu’elle, de son frère déjà grand ».

« Justes parmi les Nations »

Cette petite fille, c’était Jeanine. Elle avait 12 ans, à l’époque. Jeanine se rappelle de Marie, sa mère qui « lui avait fait jurer devant Dieu de ne parler à personne de ces gens cachés dans leur maison ».Elle n’a pas oublié le tailleur aux doigts d’or qui lui avait cousu une si belle robe. Se souvient le cliquetis incessant de la machine à coudre et la menuiserie un peu plus bas.

Après, c’est un peu flou. La famille de Jeanine a déménagé pendant la guerre. La grand-mère, Madeleine, est restée dans la maison familiale avec une cousine, Victoria, et son époux. Jeanine est « revenue jouer de temps en temps » dans le jardin de l’avenue des Platanes. Rebecca, elle, s’est abritée derrière les persiennes jusqu’en 1944. Et tout s’est noyé dans le chagrin et la mort.

Les deux fillettes ont pris chacune leur chemin. Vivantes, survivantes. Elles sont devenues mères, grands-mères sans plus rien savoir l’une de l’autre. L’histoire aurait pu se terminer comme ça.

Mais les années ont passé et le regret de Rebecca a grandi. «Regret de ne pas avoir dit merci à ses sauveurs, de ne pas les avoir fait reconnaître comme Justes parmi les Nations ». Alors, elle a rassemblé ses fragments de souvenirs, a arpenté les ruelles de Nice-Nord à leur recherche, a raconté son histoire à notre journal, comme on lance une bouteille à la mer… Le lendemain de la parution, Jeanine a téléphoné à « Nice-Matin » :elle n’était« pas sûre, mais peut-être… »