Anost : le village rassemblé pour honorer la mémoire de Pierrette Pauchard-Guyard reconnue « Juste parmi les nations »

Accueil/La vie du Comité/Actualités/Actualités des régions/Anost : le village rassemblé pour honorer la mémoire de Pierrette Pauchard-Guyard reconnue « Juste parmi les nations »

Dossier n°

12855

Anost : le village rassemblé pour honorer la mémoire de Pierrette Pauchard-Guyard reconnue « Juste parmi les nations »

Du 29/10/2012

 

 

 

Durant l’été 1942, bravant, au péril de sa vie, les lois antisémites du régime collaborationniste de Vichy, Pierrette Guyard, veuve de Marie-Joseph Pauchard, a ouvert la porte de sa maison d’Athez, hameau d’Anost, à la fratrie Frydman, trois sœurs et un frère envoyés par leurs parents dans le Morvan pour les soustraire aux rafles parisiennes et à une mort certaine en déportation.

Dimanche 18 octobre 2012, le village était rassemblé pour honorer la mémoire de son héroïne, élevée au titre de « Juste parmi les nations » par l’état d’Israël, dont le nom sera désormais gravé sur le Mur d’Honneur dans le Jardin des Justes
 du mémorial de Yad Vashem à Jérusalem et sur le Mur des Justes de France au Mémorial de la Shoah à Paris.

Une histoire morvandelle

 « La biographie de Pierrette Pauchard sera affichée au Musée de la Résistance en Morvan à Saint-Brisson» ajoute Jean Vigreux, président de l’Association pour la Recherche sur l’Occupation et la Résistance en Morvan (ARORM).
« L’histoire de Pierrette Pauchard, paysanne morvandelle, enrichit l’histoire du Morvan des hameaux et des villages qui a été un lieu de cache pour tous les persécutés » estime en effet l’historien.

« L’hommage à son héroïsme nous rappelle aussi la résistance ordinaire de tous ces anonymes qui ont dit non à la barbarie et sauvé l’honneur d’un Pays et l’honneur d’un peuple » ajoute-t-il après avoir relevé que, malheureusement, dans le même temps, d’autres Français portant l’uniforme de la gendarmerie effectuaient des rafles dans la proche cité de Château-Chinon.

Dailleurs, ajoute le maire d’Anost Jean-Claude Nouallet, « il y a sans doute d’autres faits de cette période qui restent à découvrir, peut-être d’autres protections d’enfants à Anost et dans le Morvan ».
C’est presque par hasard, au détour d’un travail de l’écrivain Patrick Grégoire réalisant des récits de vie d’habitants d’Anost, que l’histoire de Pierrette Pauchard a été révélée au grand jour.

Douze Justes en Morvan

« 75 % des Juifs de France ont survécu [76.000 ont été déportés et 2.551 seulement sont revenus] et 86 % en ce qui concerne les enfants » a encore rappelé Jean Vigreux pour montrer la somme des résistances ordinaires et de solidarités venues « de la profondeur d’un peuple ancré dans le modèle républicain » qui ont permis cette relative protection comparé à d’autres pays européens.
Un peu moins de 24.500 Justes ont été reconnus dans le monde, dont 3.500 en France. Pierrette Pauchard est la 109e Bourguignonne a revcevoir cette distinction, dans un Morvan qui en compte douze.

« Merci à Pierrette Pauchard qui fait honneur à Anost , femme généreuse que rien ne prédisposait à être l’ambassadeur de cette haute valeur de la tradition de l’accueil dans le Morvan » poursuit Jean-Claude Nouallet.




 
Veuve d’un agriculteur – galvacher décédé en 1933, Pierrette Pauchard avait déjà 66 ans en 1942.
Ancienne nourrice de lait à Paris avant la Première Guerre mondiale, le couple avait ensuite accueilli, dans la plus pure tradition morvandelle, des enfants de l’Assistance Publique qui partageaient la vie des trois enfants naturels de la maisonnée.
C’est ainsi qu’en 1935 était arrivée à Athez la petite Colette Morgenbesser, (aujourd’hui Colette Greteil), enfant abandonnée par sa mère juive polonaise réfugiée en France.
Avec Suzanne, Ida, Hélène et Bernard Frydman, c’est donc cinq enfants juifs que Pierrette Pauchard a protégé, avec la complicité des villageois, à l’exemple du maire de l’époque, le Dr René Roy qui n’hésita pas à brûler le dossier de l’Assistance de Colette Morgenbesser qui comportait la mention « juive » devenue trop dangereuse.

« Si Pierrette Pauchard n’avait pas eu le courage de nous cacher des occupants, je ne serais pas en train d’écrire » indiquait Bernard Frydman au début du mois dans un message lu dimanche par Jean-Louis Pauchard.


 
Les enfants Frydman n’ont jamais revu leurs parents. Arrêtés quelques semaines après la douloureuse séparation qui leur a permis de sauver leurs enfants, ils ont disparus dans Nuit et brouillard.
Après plusieurs mois de recherches vaines à l’issue de la guerre sur le destin de leurs parents, les enfants Frydman sont partis s’installer aux États-Unis.
Et c’est en Amérique qu’ils ont appris le décès, à Athez le 7 août 1951, neuf ans jour pour jour après qu’elle leur eut ouvert sa porte et son cœur, de celle que l’ainée Suzanne appelait encore « la maman » soixante plus tard dans un témoignage sur sa vie à Anost pendant la guerre.

Suzanne est revenue régulièrement séjourner en Morvan où elle retrouvait Colette, adoptée par Pierrette. Suzanne, Ida et Hélène sont aujourd’hui décédées.
Dernier survivant de la fratrie, Bernard, qui avait neuf ans à son arrivée à Athez où il fut scolarisé sous le nom de Bernard Petit, n’avait pas pu venir à Anost dimanche :
« J’aurais préféré assister à la cérémonie mais à cause de mes ennuis de santé, je ne peux pas faire le déplacement a-t-il écrit. Mais je n’ai JAMAIS oublié le courage, la bravoure et les risques que Pierrette Pauchard a pris pour nous…
Que Dieu la bénisse ! »

La cérémonie

La cérémonie de remise de la Médaille de « Juste parmi les nations » s’est déroulée en deux parties, en présence d’une foule très nombreuse rassemblée à la salle des fêtes où étaient exposés des dessins des écoliers de la classe CE1-CM1-CM2 du RPI Anost – Cussy-en-Morvan – La Petite Verrière dirigé par Christophe Trémeray.
Après le discours introductif du maire Jean-Claude Nouallet  sont intervenus :


Jean Vigreux, Christophe Trémeray, Jean-Louis Pauchard, Philippe Dupont-Guyard, le président de la Communauté de Communes de l’Autunois Rémy Rebeyrotte et le sous-préfet d’Autun Richard-Daniel Boisson.
Puis après un intermède musical la seconde partie a débuté (voir la vidéo) par l’évocation de la vie de Pierrette Pauchard et du sauvetage des enfants juifs par son arrière-arrière petit-fils Elio.

Didier Cerf, Délégué régional du Comité Français pour Yad Vashem a ensuite remis solennellement le diplôme et la médaille de Juste de Pierrette Pauchard à son petit-fils André Pauchard et à sa fille adoptive Colette Greteil (voir la vidéo)

Avant que la chorale de Cussy-Anost interprète en clôture le chant des Marais, chant des Déportés, Séverine Darcque, petite-fille de Colette adressa un dernier message à l’assemblée :
« A nous de ne pas oublier ce que Pierrette, comme de nombreux hommes et femmes de son époque ont fait pour des êtres humains innocents, qui étaient simplement d’une origine ou d’une confession différentes. N’oublions pas ces héros simples qui, à leur époque, ont juste eu le sentiment de faire ce qu’ils avaient à faire, sans chercher de récompense.
Sans eux, les mots « vie » et « liberté » n’auraient jamais eu de sens pour Bernard, Hélène, Ida, Suzanne et Colette.

Les Justes du Morvan:

– Pierrette Pauchard – Guyard (Anost)
– Roger-Louis Demon ( Broye)
– Edouard Félix Bondoux ( Glux-en-Glenne)
– Francine Bondoux Lemoine ( Glux-en-Glenne)
– Marie Paillard ( Château-Chinon)
– Gustave Tompa ( Brassy)
– Charles Collenot (Precy-sous-Thil)
– Pierre André ( Toucy)
– Marie Arnol ( Vezelay)
– Denis Arsene ( Beauvilliers)
– Louise Arsene ( Beauvilliers)
– Michel Martire ( Toucy)