Juste reconnaissance

Dossier n°

12086

Juste reconnaissance

De 1939 à 1946, Henriette et Joseph Briand, Justes parmi les nations, ont protégé un enfant juif

L’histoire de Joseph et Henriette Briand, qui ont accueilli Frédéric, un enfant juif, dès la fin 1939, est souvent évoquée en famille, relatent Marie-Louise et son fils Pierre-Yves. (PHOTO TADEUSZ KLUBA/« sud ouest »)

Lundi 18 juin, la commune de Châteaubernard vivra un moment important et rare, avec la remise de la médaille des Justes parmi les nations à Joseph et Henriette Briand, représentés par leur belle-fille, Marie-Louise, leurs enfants et leurs petits-enfants, dont Pierre-Yves Briand.

Frédéric Robins, maintenant 77 ans, le petit garçon juif accueilli dès la fin 1939 par le couple Briand, viendra tout spécialement d’Australie pour vivre cette cérémonie.

C’est lui, « Freddy », qui a mené toutes les démarches auprès du Comité français pour Yad Vashem afin que Joseph et Henriette Briand, respectivement disparus en 1957 et 1946, obtiennent la reconnaissance de leur courage par le Comité des sages de Jérusalem. Le titre de « Juste parmi les nations » est la plus haute distinction à titre civil décernée par l’État d’Israël.

« Le septième enfant »

Pour raconter cette formidable histoire, Marie-Louise Briand et son fils Pierre-Yves reçoivent dans le jardin ensoleillé de la maison familiale où vécurent Joseph et Henriette avec leurs six enfants et Frédéric, « le septième enfant de la famille », comme il l’écrit lui-même dans son mémoire envoyé au Comité français pour Yad Vashem.

Ce lieu réveille nombre d’émotions à chaque fois que Freddy revient à Châteaubernard. « Le jour où je lui ai montré le fauteuil de mon grand-père, il s’est mis à pleurer », évoque Pierre-Yves Briand.

Né à Paris sous le nom de Rubinsztajn, de parents polonais, Frédéric a 4 ans quand il arrive, avec sa mère, à Châteaubernard, fin 1939. Avec eux, de nombreux autres réfugiés lorrains.

Henriette Briand, qui avait déjà 54 ans, prit sous son aile le petit Frédéric afin que sa mère puisse aller travailler. Élisabeth, 16 ans, était la dernière des six enfants du couple Briand. Elle fut « une vraie petite mère » pour le garçonnet, se souvient Marie-Louise, entrée dans la famille en 1944 lorsqu’elle rencontra son futur mari, Louis, le quatrième enfant de la fratrie. Louis, autre « héros » que raconte son épouse Marie-Louise. À deux reprises, ce dernier « s’est mis en contact avec des cheminots résistants communistes pour que Freddy aille, caché dans des sacs de tri postaux, jusqu’à Montpellier rendre visite à sa mère et à ses grands-parents, réfugiés là-bas ».

Cette anecdote répond à d’autres récits, dont certains très forts comme « le baptême de Freddy, le 11 novembre 1940 à l’église de Châteaubernard ». Ce geste de protection avait été souhaité par Joseph, qui avait alors 68 ans. Pierre-Yves Briand sourit en subodorant que la date anniversaire de la victoire de 1918 ne relevait pas du hasard de la part de cet « homme très patriote ».

La promulgation des lois antijuives, en octobre 1940, avait également incité Henriette et Joseph à franciser le nom de Rubinsztajn en Robinstède. Quelques détails laissent à penser qu’Henriette et Joseph Briand pressentaient le sort funeste réservé à la population juive puisque sur le certificat de baptême, même le nom de la mère de Frédéric a été francisé.

Il ignorait sa judéité

Le petit garçon de l’époque, « qui était très beau, très vif et très malin », se souvient Marie-Louise, a traversé la Seconde Guerre mondiale dans une relative quiétude, disant avoir connu une belle enfance. Ignorant sa judéité jusqu’en 1944 – ce qui a sans doute évité de graves bévues -, il est allé à l’école de l’Institut Désir, place Beaulieu, à Cognac, où l’enseignement était donné par des sœurs.

Depuis des décennies, l’histoire de Freddy est racontée lors des repas de famille. De son côté, Frédéric Robins (il a changé de nom à la fin de la guerre), qui a rejoint ses grands-parents à Paris en 1946, a toujours nourri le lien avec ses sauveteurs, en particulier avec Élisabeth.

« Vadrouilleur », « très débrouillard », « actuellement en train de monter un hôtel en Australie », Frédéric Robins revient régulièrement en France, faisant une halte à Limoges, où vit Marie-Louise. Ses enfants connaissent les enfants de Pierre-Yves Briand. « Oui, il fait partie de la famille. »

Séverine Joubert et Sandra Balian

Source : http://www.sudouest.fr/2012/06/09/juste-reconnaissance-738154-813.php du 09/06/2012