“Justes de l’Isère” : la petite fille de l’affiche, c’est elle…

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Dossier n°

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“Justes de l’Isère” : la petite fille de l’affiche, c’est elle…

Gisèle Rotbart avait cinq ans quand elle a été cachée par un couple de Saint-Jean-de-Moirans. Son “tonton” et sa “mamie” avec qui elle est restée en contact tout au long de leur vie. Photos DR

 

 

 

Gisèle Rotbart se souvient bien de cette photo, de cette journée de pique-nique où elle a été prise. Car la petite fille de l’affiche – qui annonce la nouvelle exposition du Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, à Grenoble –, c’est elle… « J’avais dix ans, c’était plusieurs années après la fin de la guerre. J’étais avec mon tonton et ma mamie. »

Les Tholozan, ce couple de Saint-Jean-de-Moirans qui, au mépris de tous les dangers, l’avait recueillie en 1942. Elle, Gisèle, la fille de Chaïm Srul, juif polonais de France.

« Mon père et moi habitions à Paris quand la rafle du Vél’d’Hiv s’est produite. Le lendemain, le 18 juillet 1942, jour de mes cinq ans, on partait dans un taxi. » Direction : l’Isère, avec une première nourrice – « autoritaire » – à Coublevie pour elle, et la fuite de cache en cache pour son papa.

Quelques mois après, les dénonciations se multipliant, il faut partir à nouveau. Une longue marche dans la neige dans les bras de son père. À travers champs. « De ce jour-là, j’ai gardé une cicatrice sur mon gros orteil, une engelure qui avait éclaté. »

Et finalement, c’est à Saint-Jean-de-Moirans que l’enfant trouve refuge. Et c’est là qu’elle rencontre pour la première fois les Tholozan, Joseph, l’agriculteur au « regard d’aigle », et Marie, la couturière « au sourire étincelant ». « Je les ai tout de suite aimés. Et leur amour à eux était infini. Ils étaient ma famille, mon refuge. »

« Les héros, c’est eux. Et tous les autres Justes de l’Isère qui ont accueilli des enfants »

Dès lors, la petite Gisèle sait qu’elle ne doit rien dire d’elle à l’extérieur. Et qu’à l’entrée de la maison, il y a un grand tonneau avec une porte pour se cacher, « si jamais… »

Elle comprend aussi que l’époque la rend différente des autres petites copines du village… Mais cela ne l’empêche pas de vivre. Avec les Tholozan, elle apprend à aimer les choses simples du quotidien. L’odeur de la terre, la vue sur les montagnes, les poules qui caquettent si fort le matin… « J’ai appris à compter avec des bûchettes que mon tonton avait taillées dans des serments de vigne. Et Marie m’a donné le plus beau pantalon golf que j’ai jamais porté de ma vie. Il était vert et confectionné avec la doublure d’un vieux manteau. » Son père passe parfois la voir en douce. Le signal, c’est des cailloux jetés sur les volets bleus des Tholozan. Sinon la vie se passe, en sécurité. « Tout le village savait pour moi, même le curé qui me fichait pourtant la frousse. Mais personne n’a rien dit. »

Il y a six mois à Voiron, soit soixante-dix ans après sa rencontre avec les Tholozan, Gisèle Rotbart – redevenue parisienne – a réussi que soit remise, à titre posthume, la médaille des “Justes parmi les nations” à ses sauveurs. Et de les voir aujourd’hui encore une fois à l’honneur sur l’affiche de l’exposition grenobloise lui remplit le cœur de joie. « Ma mamie et mon tonton m’ont tellement aimée, je leur dois la vie. Les héros, c’est eux. Et tous les autres Justes de l’Isère qui ont accueilli des enfants, tous les autres qui nous ont protégés. »

Ève MOULINIER

source: http://www.ledauphine.com/isere-sud/2012/11/21/justes-de-l-isere-la-petite-fille-de-l-affiche-c-est-elle du 22/11/2012