Leurs parents avaient caché un Juif en 1944 : ils racontent

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Dossier n°

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Leurs parents avaient caché un Juif en 1944 : ils racontent

Du 22/4/2014

 

 

 

Famille – Six frères parmi les treize enfants de Camille et Marie Guillaumin – PILLE Jean-Pierre
Les ayants droit de Camille et Marie Guillaumin recevront dimanche la médaille des Justes parmi les nations de l’ambassadeur d’Israël en France.

Camille et Marie Guillaumin, les sauveurs de Charles Krameisen, en fuite pendant la tragédie des puits de Guerry (26 prisonniers juifs y été assassinés le 24 juillet 1944), se sont vus attribuer la médaille des Justes parmi les nations pour cette action.

Six frères, parmi les treize enfants du couple, racontent ce dont ils se souviennent de ces jours difficiles à la ferme où leurs parents ont caché Charles Krameisen.

« Il est arrivé entre 5 h 30 et 6 heures du matin »

Gabriel, le plus âgé des six réunis autour de la table de la salle à manger, chez Gérard, à Farges-en-Septaine, avait neuf ans à l’époque des faits. « Krameisen est arrivé entre 5h30 et 6 heures du matin. Moi, je ne l’ai pas vu. Je me souviens seulement qu’il y avait des chats dans la grange de la ferme. J’allais leur donner du lait, et ce jour-là, j’ai entendu du bruit dans le foin. Ne sachant rien, j’ai seulement pensé que le bruit venait des chats ».

Il n’y avait que les parents qui étaient au courant. Pas un seul enfant n’a su qu’il y avait quelqu’un caché dans la grange. « En plein mois de juillet, entre le foin et la toiture, il n’a pas dû avoir froid », pense Gabriel. Les autres frères, plus jeunes, n’ont pratiquement pas de souvenirs de ce qui se passait à la ferme.

« On pensait que la mère allait nourir les chats »

« Seulement la mère qui allait à la grange… Mais comme il y avait des chats, on se disait qu’elle leur portait à manger. Plus tard, elle disait qu’elle lui avait enlevé des épines plantées dans les jambes et les pieds », raconte Gérard. Tous sont d’accord sur la présence des félins, mais divergent un peu sur l’organisation du départ de Krameisen vers des lieux plus sûrs.

Après quelques instants, tout se remet en place. « Oui, rendez-vous était pris avec le boucher de Saint-Just aux quatre routes, croisement de la route de Savigny à Saint-Just et celle de Crosses à Soye. Mon père l’a accompagné, binette sur l’épaule pour faire croire que c’était un ouvrier agricole. Là, le père Mathurin l’a fait monter dans son camion, direction Saint Just. »

Charles Krameisen était visiblement sauvé, mais la famille Guillaumin ne l’était pas pour autant. « Nos parents ne nous ont rien dit. Pensez?! Des enfants peuvent raconter à l’école. Imaginez la suite?! »

Soixante-dix ans plus tard, Gabriel se souvient tout de même de Charles Krameisen. « La seule fois que je l’ai vu, c’est quand il est revenu avec ses enfants après la tragédie, sur les lieux de la tuerie. Un monsieur bien mis. » Quant à la médaille des Justes parmi les Nations remise à titre posthume : « On est bien sûr fiers de nos parents. Mais aujourd’hui, on est un peu âgés pour aller en Israël, à Yad Vashem, pour voir le nom de nos parents inscrits sur le Mur d’honneur du jardin des Justes ». 25 juillet 1944, 27 avril 2014, deux jours gravés à jamais dans la mémoire d’une famille. Juste et humble.

Jean-Pierre Pille