Toulouse – Pierre Thomas : «être un juste, c’est une fierté»

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Dossier n°

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Toulouse – Pierre Thomas : «être un juste, c’est une fierté»

Du 05/11/2014

 

 

 

 

Pierre Thomas a caché des résistants et des Juifs dans l'hôtel particulier familial./ Photo DDM Nathalie Saint Affre
Pierre Thomas est un médecin toulousain à la retraite. Il est un «Juste parmi les nations» pour avoir sauvé des Juifs pendant la Seconde guerre mondiale. Un hommage lui est consacré, ainsi qu’à d’autres médecins «Justes», ce jeudi à Paris.

Pierre Thomas avait 22 ans quand le régime de Vichy, dirigé par le maréchal Pétain, a été mis en place en France. Cet étudiant en médecine vivait alors au 22 de la rue Croix-Baragnon à Toulouse, chez ses grands-parents. Il a fait des recoins de cet hôtel particulier un refuge pour toutes les personnes recherchées par la police et la milice de la collaboration. Pour cette résistance contre la délation et les déportations, il a été nommé «Juste parmi les nations» par l’état d’Israël en août 2010. à ce titre, il sera jeudi à Paris. Rencontre avec un homme de 96 ans qui a «mis le voile sur cette période» dont il n’aime pas beaucoup parler.

Comment entrez-vous en résistance en 1940 ?

L’état français était dans la collaboration avec le nazisme et ça, je ne l’approuvais pas. Nous, on savait ce qui se passait en Allemagne, ce qu’était le nazisme, mais beaucoup ne voulaient pas savoir. Beaucoup de Français étaient pétainistes. Des amis étudiants, Jean Gaches et Georges Oved, ont commencé à écrire le journal «Vive la liberté». Ils ont été condamnés à 10 ans de travaux forcés pour atteinte à la sûreté de l’état. Je les ai aidés à sortir de prison.

Comment avez-vous participé à la Résistance ?

J’ai fait des fausses pièces d’identité. C’était relativement facile. J’accueillais aussi, dans la maison où je vis toujours, des jeunes réfractaires au Service du travail obligatoire, des Juifs poursuivis et traqués. Ils logeaient dans des mansardes, dans la cave, partout en fait. Il y a eu Alfred Leder, arrêté rue des Filatiers, qui s’est échappé et est venu directement chez moi. Puis, Boris Frenkel des Francs-tireurs et Partisans que j’ai hébergé en 1943. Il a tué un colonel allemand rue Bayard, en représailles de l’exécution de Marcel Langer. Un mois plus tard, il a tué un chef de la Milice, Louis Mas. J’ai alors été convoqué au commissariat. Grâce à la complicité d’un commissaire de police proche de la Résistance, j’ai été relâché. Le lendemain, les policiers ont perquisitionné la maison de mes grands-parents, mais ils n’y ont rien trouvé.

Comment toutes ces personnes savaient qu’ils pouvaient trouver refuge chez vous ?

ça se faisait par le bouche-à-oreille. On se rencontrait dans la rue ou ailleurs. Chacun se débrouillait de son côté. Mais on avait constamment peur d’être dénoncés. On n’était jamais tranquilles.

Que pensez-vous de votre titre de «Juste parmi les nations» ?

être un «Juste», c’est une fierté. C’est la plus haute décoration décernée par Israël à des étrangers qui ont aidé des Juifs. Mais, parfois, je me demande si Israël n’a pas mieux à faire. J’ai été au Liban pendant la guerre en 1981 pour Médecins sans frontières. Et j’ai vu le sort des réfugiés palestiniens dans les camps. Mais je ne veux pas politiser tout ça.

Alexandre Guérin