Cérémonie au Mazet-Saint-Voy

Accueil/Articles et documents/Cérémonie au Mazet-Saint-Voy

Dossier n°

Cérémonie au Mazet-Saint-Voy

None

Remise du Diplôme et de la Médaille aux enfants et aux petits enfants des Justes (Ph. hephil.roux / BCFYV / DR).

Fabienne Mercier :

– {Ce 20 juin 2010} A la mairie du Mazet-Saint-Voy, lorsque la voix de Jean Ferrat retentit et que les mots de sa chanson Nuits et brouillards cognent dans les esprits, l’émotion est palpable. Il est bien difficile pour les participants, juifs ou non, croyants ou non-croyants, jeunes ou vieux, ne pas laisser les larmes embuer leur regard. De même à l’issue de la cérémonie lorsque le chant des déportés, le Chant des marais, est repris en chœur.

La foule des grands jours est au rendez-vous. On vient saluer la mémoire d’habitants du Mazet-Saint-Voy, un couple marqué par sa foi protestante, qui vivait à Mazelgirard. 
Pendant la guerre, ils ont procuré un logement à la famille Weill originaire des Vosges et l’ont entouré de leur sollicitude.

Evodie Jonac et Daniel Duron reçoivent, à titre posthume, le diplôme et la médaille des Justes. 
Ce sont leurs enfants et petits-enfants, Paul, Marc, Marguerite, André, Dina et Dany, qui sont honorés.

Des discours, on retiendra cet extrait de celui de Bernard Cotte, le premier magistrat : « A notre époque où l’on tend, dans nos communes, à bâtir des légendes, il est bon de rappeler que la mémoire collective, celle du peuple du plateau se souvient de tous ces gens accueillis, du rire de leurs enfants. L’exemple d’Evodie et Daniel est très représentatif des événements de cette période. Ils ont fait au nom de leur foi profonde ce que d’autres ont réalisé au nom de leur simple humanité. » Il ajoute : « La mémoire que nous célébrons aujourd’hui est une mémoire exigeante. Elle nous rappelle que l’exemple de nos parents ne nous invite pas à une molle acceptation des événements du monde. Nous devons exercer un examen critique sur les scènes de violences qui nous parviennent. Nous devons protéger les faibles, ceux qui sont persécutés, les accueillir et les soutenir. »

De l’intervention de Dany Duron, fils d’Evodie et Daniel, on gardera à l’esprit la conclusion. « En tant que croyant, lorsque j’ai monté ce dossier pour que mes parents obtiennent ce titre de Justes, je n’ai pu m’empêcher de m’interroger. « Comment serons-nous trouvés justes devant Dieu ? »
(Le Progrès, 21 juin 2010).

None

Les deux Justes : Evodie et Daniel Duron (Mont. BCFYV / DR).

Synthèse du dossier Yad Vashem :

– « Gaston Weill et Adrienne Geismar sont nés dans le Haut-Rhin. Ils se marient en 1931.
Gaston Weill est négociant en textiles à Mulhouse.
Quatre enfants naissent au sein de ce foyer, Jean, Francis, Gilbert et Jacqueline.

Gaston Weill, mobilisé en 1939, est libéré de ses obligations militaires après la naissance de la petite Jacqueline en février 1940.
D’avril 1940 au 12 juin 1940, Mulhouse étant sur la ligne de front, Adrienne Weill et ses enfants fuient au Val d’Ajol dans les Vosges.
Puis, le 14 juin 1940, laissant Jacqueline chez sa nourrice, la famille quitte les Vosges et se réfugie en Haute-Loire dans une auberge du hameau du Mas-de-Tence.
Enfin, en octobre 1940, les époux Weill trouvent un logement rue de St Agrève à TENCE.
En 1941 la nourrice, passant la ligne de démarcation, conduit Jacqueline auprès de ses parents.

En 1943, la traque des Juifs s’intensifie, les époux Weill ne se sentent plus en sécurité.
Lors d’une première alerte, la famille Weill passe la nuit hors de son appartement, chez des connaissances de Tence.
La décision est prise de chercher un logement de substitution afin de s’éloigner de Tence, tout comme le font d’autres familles juives demeurant dans ce bourg.
Confiant leurs enfants à une réfugiée allemande, M. et Mme Weill partent, à pied, à la recherche d’un nouveau refuge. Deux jours de recherches n’ont rien donné, ils rentrent désespérés.

Louise Astor, cheftaine de scouts protestants, mise au courant par le Pasteur Leenhardt (nommé Juste parmi les Nations en 1991), interroge les enfants Weill, eux-mêmes scouts. Elle propose l’aide de sa famille. Celle-ci les met en contact avec les propriétaires de la ferme voisine, le couple Duron.

Daniel et Évodie Duron qui ont six enfants de 6 à 17 ans, Daniel Elie, Dina, André, Marguerite, Marc, Paul, acceptent sans hésiter de loger cette famille juive dans une aile de leur ferme. C’est l’ancien appartement des parents d’Évodie Duron, M. et Mme Jonac décédés.

Les gens de la Gestapo sont aperçus dans le bourg. Ils sont à la recherche d’une famille juive et logent à l’hôtel de la Lionchère contigu au lieu de résidence de la famille Weill. Celle-ci quitte discrètement Tence et rejoint Mazelgirard, hameau de la commune du Mazet-St-Voy.

Les enfants Weill, dont les parents ont de faux papiers au nom de Vial, et les enfants Duron, fréquentent l’unique classe du hameau. Ils partagent leurs jeux, leur goûter et même les travaux des champs.
M. et Mme Duron entourent de leur affection ces réfugiés, mettent à disposition un coin de leur potager, apportent à leurs protégés légumes, beurre, œufs et même du pain lorsqu’ils le cuisent.
Cela évite aux Weill de retirer des tickets d’alimentation auprès de la mairie de Tence.

Ces Protestants furent guidés par le seul désir de venir en aide à ces personnes persécutées.
Les familles Weill et Duron sont toujours restées amies. »

None

Vue du public (Ph. hephil.roux / BCFYV / DR).

Cette histoire authentique de courage désintéressé en pays proche du Chambon sur Lignon, haut lieu s’il est du sauvetage de juifs persécutés, se déroula en 1943-1944. La famille Weill n’eut pas ainsi son nom ajouté à la trop longue liste des juifs de France déportés vers les camps de la mort.
Cependant d’aucuns ne reculent pas devant les anachronismes les moins justifiables. Ni devant les tentatives de récupération.
Cette cérémonie du Mazet-Saint-Voy a vu l’intrusion de manifestants pro-Palestiniens se trompant d’époques, de personne et de lieux. Revenant plus de soixante années en arrière, sur un judéocide sans égal dans l’histoire de l’humanité, ces manifestants ont voulu se mêler de l’héroïsme de Protestants ayant enrayé les mécanismes de la Shoah. Quand le nazisme et son collaborateur, l’Etat dit Français, régnaient par la terreur… 
Leurs confusions mentales, leur irrespect, sont volontaires donc sans excuses !