Le Comité français pour Yad Vashem a un nouveau président

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Lors de sa réunion du 11 juillet 2023, le comité directeur du Comité français pour Yad Vashem a élu M. Patrick Klugman à la présidence, succédant ainsi à M. Pierre-François Veil qui a tenu ce rôle pendant 9 ans. Avant son élection, voici les mots qu’il a adressé à ses membres:
« Mesdames, Messieurs, Chers amis,
L’ordre du jour de notre prochaine réunion appelle l’élection d’un nouveau président.
Les évènements s’étant quelque peu précipités, j’en viens à faire ce qui aurait dû être un préalable, et donc permettre à celles et ceux que je n’ai pas eu la chance de rencontrer, de mieux me connaître par ces quelques mots.
Je n’avais jamais envisagé de candidater à la Présidence du Comité Français pour Yad Vashem. Je n’ai jamais considéré le militantisme comme un plan de carrière et en fait ce serait même plutôt l’inverse : après avoir été adjoint à la maire de Paris entre 2014 et 2020, j’avais décidé d’éviter tout engagement exécutif en dehors de ma vie professionnelle dévoué à l’exercice de la profession d’avocat en contentieux et pénal des affaires et au développement d’une plateforme de médiation internationale.
La cause qui nous rassemble et le fait que Pierre-François VEIL m’ait invité à prendre cette responsabilité m’ont incité à changer d’avis et à ma présenter devant vous.
Comme la plupart d’entre vous la Shoah a lourdement impacté ma famille.
Elle a anéanti la plupart de ses membres. Mes quatre grands-parents étaient des rescapés, arrivés en France après 1945 où mes parents sont nés. Henri et Henriette Klugman ont survécu aux camps de concentration où ils se sont rencontrés. Mes grands-parents maternels Fanny et Bernard Frydman ont été cachés et sauvés par des Justes parmi les Nations à quelques kilomètres de Varsovie. La mission de Yad Vashem se confond avec mon arbre généalogique et explique que je suis à la fois vivant et Français.
Depuis que j’ai l’âge d’homme, j’ai toujours été engagé.
Arrivé à Assas, j’y ai découvert un groupe de néo-nazis virulents qui prospérait dans une impunité insupportable. Cela m’a amené à rejoindre l’UEJF dont les missions, la préservation de la mémoire, la lutte contre le racisme et l’antisémitisme et la solidarité avec Israël ne m’ont jamais quitté. Lorsque j’en suis devenu le Président, l’impensable s’est produit : la résurgence d’un antisémitisme violent dans nos banlieues qui n’était pas encore perçu ni compris. Avec le vice-président de l’époque (Yonathan Arfi…) nous avons pris l’initiative de publier le premier recensement des actes antisémites en France dans un livre-évènement publié aux éditions Calmann-Lévy : » Les Antifeujs ». Nous comprenons surtout après les attentats du 11 septembre que le nouvel antisémitisme localisé et mondialisé a un étendard pour se rendre acceptable, l’antisionisme. L’année suivante nous publions Le Sionisme expliqué à nos potes avec des contributions de Bernard-Henri Lévy, Alexandre Adler et d’autres suivi d’une campagne de sensibilisation dans les campus.
C’était il y a 20 ans.
Devenu avocat, j’ai naturellement décidé de mettre mes compétences au service de mes convictions et j’ai eu l’honneur de combattre par la voie judiciaire, avec d’autres une situation qui n’a cessé de se dégrader.
J’ai eu l’honneur d’accompagner Samuel Sandler et sa famille ou les otages survivants de l’Hypercacher tout au long des procédures qui ont abouti à des décisions exemplaires et historiques même si elles peuvent nous apparaître dérisoires. Élu au comité directeur du Crif depuis 2003, j’ai représenté l’institution aux assises tant vis-à-vis d’un commando islamiste qui prévoyait de l’attaquer (cellule Cannes-Torcy) que tout récemment contre des membres d’une cellule d’ultra-droite qui avait le même dessein (dossier Waffenkraft).
Mon mandat en tant qu’adjoint à la maire de Paris en charge des relations internationales a été une occasion de plus de servir quelques convictions solidement ancrées, notamment aux côtés de ma collègue et amie Catherine Vieu Charier (également membre du bureau de CFYV) tant en ce qui concerne la préservation de la mémoire de la Shoah que la lutte contre le boycott d’Israël.
Si j’ai été engagé, il va de soi que le Comité Français pour Yad Vashem ne saurait avoir de couleur politique. Notre souci doit être de rassembler tous les élus et au-delà toutes les bonnes volontés dans l’accomplissement de notre objet qui par sa nature éloigne les esprits mal inspirés d’extrême droite ou d’extrême gauche. En tous cas, je suis ravi qu’un grand maire tel que Christian Estrosi ait accepté de prendre la présidence du Réseau des Villes et Villages des Justes de France.
Il n’est pas facile de se résumer. Mais au-delà de ce que vous avez pu ou pas percevoir de mes activités, professionnelles ou militantes ou publiques ou non le plus important et ce qui explique ma présence parmi vous n’est pas toujours su :
je suis père de cinq enfants qui sont à l’école juive à l’exception de deux qui en sont sortis. Un jour mon fils cadet Jacob m’a demandé de lui écrire un petit texte à lire devant ses camarades pour la commémoration de Yom Hashoah au lycée Yavnée. En songeant non seulement à mes grands-parents mais encore à ceux qui ont péri, j’ai résumé ce qui à la fin me semble fondamental : voir deux mille jeunes juifs debout et rassemblés dans la cour de leur école pour commémorer la Shoah est la seule victoire tangible que nous connaissions contre la barbarie nazie.

Vous comprendrez mieux après ces quelques mots commencés par l’évocation de mes grands-parents et qui finissent par celle de mes enfants,

les raisons existentielles et personnelles qui me poussent à me présenter à la Présidence du Comité Français pour Yad Vashem, pour laquelle j’espère pouvoir compter sur votre confiance et votre engagement.
Bien à vous »
Patrick KLUGMAN